Née en 1993 à Paris, où elle vit et travaille
Diplômée de l’Ecole nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris en 2018

Figées, quasi neutres, les scènes représentées sont ordinaires, pourtant quelque chose y a lieu. Mais ce quelque chose est imperceptible, comme difficile à saisir. C’est alors l’hors-champ de l’image qui laisse entr’apercevoir ce que le dessin ne montre pas de prime abord. On cherche à le deviner mais l’image est là, statique, comme l’après d’un événement que l’on ne connaîtra finalement jamais. Le dessin ne serait que la trace d’une action se situant en dehors du cadre de l’image.

A l’origine, c’est un questionnement autour d’une forme d’étrangeté trop présente pour être palpable, qui m’intrigue. Il faut alors considérer ce qui est proche de nous comme un intrus. Cette étrangeté réside dans le détail de ce que l’on ne voit même plus. Je pense alors à cet instant de fracture, de basculement de l’ordinaire à l’étrange, le glissement de l’un à l’autre. L’étrange n’est que le prolongement de l’ordinaire, une question d’attention. Comment faire resurgir cette étrangeté ? Si elle n’est que question d’attention, question de regard, alors le dessin permet de la mettre en lumière, en donnant à voir ce qui est oublié.

Le dessin prend alors toute son importance ici. Il est quelque chose de fixe, de plan, cadré, noir et blanc. Il donne à voir quelque chose de non modifiable. C’est ce qu’il y a au-delà de l’image qui m’intéresse. Tout mon travail s’axe autour d’un processus d’association d’images pensé en ensemble. Une narration se met alors en place. L’esprit tente de les rassembler mais rien ne fait sens, car le hors champs est trop présent. Cet aspect lacunaire vient alors créer un décalage, qui provoque l’étrangeté. Ce décalage est un espace de projection dans lequel le spectateur est invité à s’aventurer. Plus les images auront peu de rapport les unes aux autres, plus le décalage sera grand, et ainsi l’espace de projection vaste.

C’est alors dans cet hors-champ que les images sont assemblées et que tout a lieu. Il y a l’action, le mystère, le souvenir qui s’y passe, mais que l’on ne saisit pas. Il est sûrement là, mais comment savoir de quoi il parle ? Celui qui regarde l’image se trouve alors dans une  position particulière où il est obligé d’entretenir une relation personnelle avec l’image. Chacun y verra des choses différentes, ou peut-être même rien.

Justine Joly a participé à l’exposition Lieu Dit (6 au 16 décembre, Abbaye de Léhon)