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Né en 1988 à Rouen. Diplômé de l’EESAB de Rennes. Vit et travaille à Tours.

Ce n’est pas une main. Elle en a toutes les qualités apparentes, elle possède cinq doigts, elle a des ongles sur lesquels on devine des lunules et même les stries de flexion de muscles englobant les métacarpes, mais ce n’est pas une main. On le devine par une large ouverture, de la taille d’un empan, qui se trace sur le dessus de la paume. Cette béance de la chair nous permet de comprendre qu’il n’y a ni os, ni veine, ni sang : juste un enrobage écorché en un point précis. Ce que nous regardons ici : c’est un gant, pas une main, en fait, plutôt un gant à l’apparence d’une main.

Quelques indices auraient pu nous l’apprendre : la présence de ce cadre dessiné à même la surface et qui prend l’allure d’un écran. Il y a aussi les regards de ces personnages aux crânes mous qui semblent figés dans une seule posture et ces effets de textures plaqués sur des feuilles de latex couleur chair. Tout ici n’est que revêtement, couverture protectrice pour des os électroniques, fragiles et précieux. Une simple façade à enfiler sur des robots géminoïdes imaginés par l’inventeur japonais Hiroshi Ishiguro. Des « robots », un peu éloignés de la définition initiale de Karel Capek en 1920, lorsqu’il avait imaginé dans une pièce de théâtre R.U.R un robot : travailleur besogneux au service de l’homme.

Ceux que nous dessine Guillaume Coutances sont les copies d’employés du bureau d’Ishiguro, qui leur donnent leurs traits, leurs mimiques, leurs logiques. Des copies qui en se dédoublant trahissent dans leur matière même la présence d’un original préexistant. Guillaume Coutances, qui travaille à l’aide du dessin et de la peinture sur les questions de séries, s’est intéressé pour ce travail à la trahison de sa main et de sa précision, en regard de l’outillage mécanique qu’il tend à présenter. Choisissant son sujet au sein d’un domaine d’anticipation, proche de la science-fiction, il nous présente le fruit de sa résidence au Plessix-Madeuc. Un ensemble de dessins à mi-chemin entre anatomie et portrait qui requestionnent notre rapport au visage et à sa standardisation concrète dans l’usage d’un futur cybernétique. Il explore cette « vallée dérangeante », théorisée dans les années 70 par le roboticien Masahiro Mori. Ce dernier imaginait un passage obligatoire par une phase d’adaptation du regard humain pour mieux accepter les qualités et défauts physiques des androïdes de demain. En choisissant de travailler à partir du dessin et de la question de la sérialité, Guillaume Coutances nous propose un compte-rendu d’une expédition dans l’univers aussi dérangeant que fascinant d’un monde qui s’approche à grands pas.

Robin Garnier-Wenisch

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